Avec l’essor du télétravail, une nouvelle pratique discrète fait son apparition : le “quiet vacationing”. Elle consiste à partir en vacances sans en informer collègues ou managers, en maintenant l’apparence de travailler à distance. Décryptage d’un phénomène qui témoigne d’une pression professionnelle croissante et de la difficulté à équilibrer vie personnelle et vie professionnelle.
Qu’est-ce que le quiet vacationing ?
Le “quiet vacationing”, ou “vacances silencieuses”, est une pratique qui consiste à prendre des jours de repos sans les déclarer officiellement. Loin de poser des congés classiques, les salariés choisissent de disparaître quelques jours, tout en gardant une connexion de façade avec leur travail grâce au télétravail. Cette tendance fait écho au quiet quitting, qui désigne le fait de limiter ses efforts professionnels au strict minimum.
Les adeptes de cette stratégie disent s’offrir une pause bien méritée sans piocher dans leurs jours de congés officiels, ou sans alerter leur manager. Les réseaux sociaux et certains médias comme le Wall Street Journal soulignent que cette forme de “congé déguisé” gagne en popularité aux États-Unis, où le nombre de jours de congés est limité. Cependant, la tendance s’étend à d’autres régions, y compris la France, où les cadres sont de plus en plus nombreux à exprimer le besoin de déconnecter sans rompre avec leur travail.
Des vacances sous pression : pourquoi ce phénomène prend-il de l’ampleur ?
Cette pratique résulte souvent de plusieurs facteurs liés à l’intensification du travail et à des attentes de disponibilité accrue. Voici les principales raisons pour lesquelles certains travailleurs optent pour le quiet vacationing :
Le manque de jours de congés officiels
Aux États-Unis, un salarié du secteur privé bénéficie en moyenne de 15 jours de congés payés par an, un chiffre très faible par rapport à la moyenne européenne. Un Américain sur cinq n’a d’ailleurs pas accès à des congés payés du tout. Par conséquent, de nombreux travailleurs recourent au quiet vacationing pour compenser cette rareté de jours libres.
La pression de la performance en télétravail
Depuis la généralisation du télétravail, la frontière entre vie privée et vie professionnelle est devenue floue, et les salariés ressentent une pression constante à rester disponibles. Selon une enquête Harris menée auprès de 1 200 travailleurs américains, près de 80 % d’entre eux préfèrent ne pas poser tous leurs jours de congés pour éviter d’être perçus comme démotivés. Dans des contextes professionnels compétitifs, demander des congés peut être interprété comme un manque d’engagement.
Le télétravail et la culture de l’absence discrète
Avec le télétravail, il est plus facile de partir en congé sans que cela ne soit remarqué. En modifiant leurs horaires ou en utilisant des arrière-plans virtuels, les salariés peuvent donner l’impression d’être connectés. En outre, certaines entreprises proposent une politique de congés illimités pour attirer les talents. Pourtant, même dans ces environnements, beaucoup d’employés préfèrent des vacances secrètes, pour éviter de paraître absents trop souvent.
Quiet vacationing : quels risques pour les employés ?
Bien que tentant, le quiet vacationing présente des inconvénients non négligeables. Selon Deepali Vyas, spécialiste du conseil en entreprise chez Korn Ferry, ces vacances silencieuses sont souvent contre-productives.
Un manque de repos réel
En maintenant une apparence de présence professionnelle, les salariés ne bénéficient pas d’une véritable déconnexion. Le quiet vacationing entraîne une forme de stress, car il faut rester alerte pour répondre aux messages et participer aux réunions, même à distance. Cette pratique empêche de profiter pleinement d’un temps de repos qui pourrait être réparateur.
Le risque d’être découvert
Pour les managers, les signes de quiet vacationing sont souvent repérables. Les changements d’arrière-plan virtuels, les réponses tardives aux mails ou un rythme de travail réduit alertent souvent les superviseurs. La productivité d’un employé en “vacances discrètes” peut être inférieure de 30 % par rapport à la normale, selon les spécialistes.
Pour certains, le quiet vacationing améliore l’efficacité
Toutefois, certains salariés considèrent que ces pauses discrètes renforcent leur productivité. C’est le cas de Jaimie Calderon, analyste dans un cabinet d’assurance, qui explique qu’elle travaille de manière plus efficace pendant ses vacances secrètes. Elle organise ses journées pour optimiser son rendement le matin et profite de ses après-midis pour se détendre. Selon elle, ces mini-évasions lui permettent de mieux gérer son temps et d’aborder ses responsabilités avec plus de sérénité.
Une solution pour mieux équilibrer vie pro et vie perso
En France, certains travailleurs en télétravail adoptent le quiet vacationing pour une autre raison : ils considèrent que leur travail ne doit pas forcément se limiter à un lieu physique. Quentin, chef de projet en start-up, explique qu’il combine des séjours à l’étranger avec ses obligations professionnelles, sans nécessairement poser de congés. Selon lui, cette organisation permet de rester productif tout en profitant de nouveaux environnements lors des pauses déjeuners et week-ends.
Le télétravail, une frontière de plus en plus floue entre vacances et travail
Le quiet vacationing met en évidence la difficulté croissante à préserver une frontière nette entre vie privée et vie professionnelle. Les travailleurs sont parfois obligés de trouver des solutions pour pallier l’épuisement et les contraintes imposées par un équilibre de plus en plus difficile à maintenir.
Ce phénomène reflète également une tendance plus générale vers le nomadisme digital et une gestion du temps plus flexible. Les employés en quête de sens et d’épanouissement personnel recherchent des manières de mieux intégrer leurs passions et leurs loisirs dans leur quotidien professionnel.
Pour une culture d’entreprise qui respecte les besoins des employés
La popularité du quiet vacationing en dit long sur les besoins des salariés et les limites des politiques de congés actuelles, notamment dans les entreprises américaines. Face à un modèle où la productivité prime souvent sur le bien-être, certains employés créent leur propre équilibre pour échapper à une surcharge de travail.
Alors que les entreprises sont en quête de talents, proposer des conditions de travail flexibles et un respect accru des besoins de repos pourrait constituer un levier d’attractivité puissant. Le quiet vacationing pourrait bien être un signal pour les employeurs, afin de redéfinir une culture de travail équilibrée qui intègre pleinement les aspirations de leurs employés.